Le Club Diogène (première partie)
Il est temps de nourrir une section qui ne comportait jusque là que le commentaire sur un film certes sympa mais loin du chef d'oeuvre. Le moment est donc venu de reprendre une bonne louchée de confiote et cette fois-ci, c'est de littérature dont il va être question. Rassurez-vous, il ne s'agira pas de toute cette frange littéraire qui fit mes délices du temps où j'étais jeune et étudiante, même si Proust, Hugo et Baudelaire sans parler de Céline et Perec firent et font toujours, mon bonheur. Que nenni, mes petits, nous allons nous pencher au plus près des abysses de la littérature fantastique, horrifique, de gare et que sais-je encore, qui fait passer un moment de grâce dans un train surpeuplé. Et ce sont deux ouvrages publiés chez Malpertuis qui vont ouvrir le bal. D'une parce que je ne suis pas une ingrate et compte bien vous vanter les charmes de cette maison d'édition qui a eu la bonté de me publier pour la première fois (ma nouvelle Sarah dans l'anthologie Muséums est d'ailleurs toujours en lice pour le prix Merlin). De deux parce que je suis tombée amoureuse de la saga en deux volumes narrant les extraordinaires aventures du Club Diogène.
La fort jolie et intrigante couverture d'une première édition chez la Clef d'Argent.
Ne vous méprenez pas sur le club en question. Bien qu'homonyme du fameux club privé de Mycroft Holmes, frère d'un fameux détective un peu trop malmené ces temps-ci par un cinéaste m'as-tu-vu, ce club-ci est bien loin de réunir la fine fleur de la gentry londonienne. C'est le Paris des années 1871 à 1885 qui est le théâtre d'événements macabres, mystérieux et effrayants et les membres du club sont avant tout des êtres à la morale douteuse, cherchant à tromper leur ennui et non à sauver la veuve et l'orphelin. Tout ce petit monde est supervisé avec un soin machiavélique par l'énigmatique Monsieur, être inquiétant et vénéneux. Quant à Stéphane Mouret et Jérôme Sorre, ils ne sont pas les contemporains de Sir Arthur Conan Doyle mais bel et bien des trentenaires made in France, amis d'enfance et compagnons d'écriture oeuvrant de concert comme les engrenages d'une efficace horlogerie.
A gauche Jérôme Sorre et Stéphane Mouret, à droite, l'autre papa d'un autre club Diogène.
Le duo Sorre et Mouret nous offre une magnifique galerie de personnages hauts en couleur et truculents. Plus que les intrigues, ce sont les membres du club qui nous attachent à ce feuilleton. Nous les suivons avec une gourmandise qui nous fait réclamer le tome 3 à cors et à cris. Mais les présentations s'imposent :
Les personnages (avec quelques images qui ne sont qu'une vue de mon esprit) :
Vayec : Le héros romantique du groupe au teint mortuaire. Par romantique, j'entends bien sûr l'aura de poète maudit qui semble le nimber. Les plus ténébreuses créatures semblent vouloir s'attacher à ses basques et il n'est pas rare qu'il donne beaucoup de sa personne. Mais une conquête infernale de trop finit par le laisser profondément hanté, traumatisé. Sa bravacherie naturelle est bien souvent mise à mal par la violence des événements. Pour ne rien gâcher à l'affaire, monsieur est breton, comme votre servante.
Une des représentations possibles du jeune Werther Vayek ? Notez cette narine palpitante et cet oeil fiévreux du héros romantique.
Franklin : Le benjamin de la bande est toujours emmitouflé dans une interminable écharpe et il n'est pas rare que ses "amis" peu scrupuleux se servent de lui comme appât comme nous le verrons dans le Chérisseur de Tête. Complice de Vayek, voire même son double en plus jeune et plus pataud, Franklin n'a probablement jamais connu bibliquement une femme. Est-ce pour cela qu'il aime secrètement la délicieuse et évaporée Lison qui préfère batifoler entre les bras poilus de l'infâme d'Orville ? On se demande pourquoi ce jeune et brillant esprit se brûle ainsi d'amour pour une pareille cervelle de moineau.
Là, on ne la voit pas, mais dans Young Sherlock Holmes, Nicholas Rowe porte une magnifique écharpe à rendre fou de jalousie un Franklin.
Lison : L'un des deux éléments féminins du couple n'est pas la plus farouche ! L'insupportable d'Orville prend un malin plaisir à la maltraiter quand il ne la glisse pas dans sa couche de sanglier en rut. Pas vraiment jolie, elle dégage néanmoins une gourmande sensualité. Sa douce coquetterie et son innocence rieuse font son charme.
Ce gros cochon de d'Orville va encore s'en mettre plein la panse !
D'Orville : un cochon lubrique doublé d'un pourceau infâme. Le plus antipathique du club, et peut-être bien du monde entier ! Ce qui est en parfaite adéquation avec son physique ingrat. Le plus grand mystère de la saga est donc bien de quelle façon cet homme chauve, petit, gras et poilu, pleutre, teigne et égoïste a bien pu attirer sous les draps la généreuse Lison.
C'est faire un peu d'honneur à d'Orville que de l'imaginer dans les nippes du pingouin mais je voulais en profiter pour faire un clin d'oeil appuyé à Tim Burton que la Cinémathèque de Paris met en ce moment à l'honneur.
Le Maréchal : Le barbon barbu, le doyen du Club qui aime s'étaler sur sa carrière militaire... peut-être fictive. Bien que doté d'un occiput neigeux, il n'en demeure pas moins vert et il lui est arrivé à maintes reprises de s'isoler avec la conciliante Camille pour une partie de bête à deux dos.
J'avoue avoir, l'espace d'un instant, hésité entre une photo du Captain Iglo et celle du professeur Quatermass joué par Andrew Keir.
Camille : La seconde représentante du beau sexe au sein du Club n'a pas la mise friponne de Lison. Si on ne la remarque jamais au premier abord à cause de son apparence modeste et de son caractère discret, elle finit par montrer une certaine supériorité intellectuelle et un courage qui fera défaut à bien des hommes du Club. Le principal point faible de cette attachante discrète se trouve au fond des bouteilles que renferme le bar du Club Diogène. Mais que cherche-t-elle à noyer dans les vapeurs de la fée verte ?
Si on arrive à sauter assez loin à travers le temps, nous pourrions peut-être convaincre Jeanne Moreau d'incarner Camille.
Fédor : Évadé d'un roman de Dostoïevski ou de Tolstoï, suivant vos connaissances littéraires, Fédor passerait pour le servile majordome du club, au premier abord. Empressé auprès de ses camarades, il débarrasse vestes et manteaux, ouvre la porte aux dames, sert à boire à Camille et essuie les interpellations méprisantes de d'Orville. Et pourtant, on ignore encore ce qui se cache sous ce monocle éternellement vissé sur ce visage patibulaire.
Vous connaissez, au fait, le prénom de Dostoïevski ? Héééé oui !
Monsieur : Sans aucun doute possible le fondateur du Club Diogène. Peut-être même le princiapal responsable de toutes les étranges histoires qui nous délectent, nous autres lecteurs. L'inquiétant Monsieur est toujours annoncé par un courant d'air glacé. Son corps est celui d'un vieillard voûté par les années mais surmonté par une tête poupine de nourrisson. Aussi antinomique que le physique de la Reine Zabo dans la saga Malaussène.
Brrrrrrr...
Résumés et critiques des deux volumes (oui, le pluriel est volontaire) dans la deuxième partie.